Le 5 juin dernier, le Conseil d’Etat a précisé les critères de protection des abords des monuments historiques (CE, 5 juin 2020, n° 431994).

Pour rappel, le code du patrimoine (L. 621-30) prévoit que sont protégés au titre des abords des monuments historiques les immeubles formant avec un monument historique « un ensemble cohérent », ou ceux susceptibles de contribuer à leur conservation ou à leur mise en valeur, dès lors que ces immeubles sont situés:

• dans un périmètre délimité, en application de l’article L. 621-31 du code du patrimoine,
• à moins de 500 mètres du monument historique, et à condition qu’ils soient visibles depuis ce monument ou visible en même temps que lui.

Un immeuble protégé au titre des abords ne peut faire l’objet de travaux susceptibles d’en modifier l’aspect extérieur, qu’après autorisation préalable (L. 621-32). Tient lieu de cette autorisation préalable « le permis de construire, le permis d’aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable » « si l’architecte des Bâtiments de France a donné son accord » (R. 425-1 code de l’urbanisme).

Ainsi, un permis portant sur un immeuble protégé au titre des abords ne peut être délivré qu’avec l’accord de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF).

En l’espèce, un permis de construire un immeuble collectif de 7 logements avait été délivré à proximité d’une église classée au titre des monuments historiques, sans accord préalable de l’ABF.

Le juge des référés du Tribunal administratif de Pau a suspendu l’exécution du permis en considérant que le projet était soumis à la protection au titre des abords, en se fondant sur l’existence d’une covisibilité entre le projet et l’église classée au titre des monuments historiques, depuis un point de promenade normalement accessible au public.

Saisi d’un pourvoi contre cette ordonnance, le Conseil d’Etat a précisé le champ d’application de la protection au titre des abords en l’absence de périmètre délimité.

Le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur le critère de visibilité prévu par le code du patrimoine.

Ainsi, dans un arrêt du 20 janvier 2016 (CE, 20 janvier 2016, n° 365987), il avait indiqué que : « la visibilité depuis un immeuble classé ou inscrit s’apprécie à partir de tout point de cet immeuble normalement accessible conformément à sa destination ou à son usage ; », rejetant par là le critère de visibilité depuis tout point « normalement accessible au public ».

En revanche, la Haute Juridiction ne s’était jamais prononcée sur l’appréciation ministérielle selon laquelle la covisibilité doit s’apprécier depuis les lieux aisément accessibles au public, incluant par exemple un belvédère ouvert au public, mais excluant les vues depuis un hélicoptère ou le sommet d’un clocher (QE Mme Zimmermann, JO AN du 29 janvier 2001).

Finalement, les juges du Palais royal ont précisé les critères de visibilité et de covisibilité en indiquant que « ne peuvent être délivrés qu’avec l’accord de l’architecte des Bâtiments de France les permis de construire portant sur des immeubles situés, en l’absence de périmètre délimité, à moins de cinq cents mètres d’un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, s’ils sont visibles à l’oeil nu de cet édifice ou en même temps que lui depuis un lieu normalement accessible au public, y compris lorsque ce lieu est situé en dehors du périmètre de cinq cents mètres entourant l’édifice en cause. »

Ainsi, si le critère de covisibilité peut être constaté en dehors du rayon de 500 mètres, il doit néanmoins pouvoir l’être à l’œil nu, depuis un lieu « normalement accessible au public ».

En l’espèce, la covisibilité constatée par les premiers juges depuis un point situé à plus de 500 mètres du monument concerné n’était révélée « que par l’utilisation d’un appareil photographique muni d’un objectif à fort grossissement. ».

Fort logiquement, la Haute juridiction a censuré l’appréciation retenue par le juge des référés en considérant que, « si les dispositions de l’article L. 621-30 du code du patrimoine ne s’opposaient pas à ce que l’existence d’une covisibilité soit constatée depuis un point situé à plus de cinq cents mètres du monument concerné », il avait cependant dénaturé les faits de l’espèce en retenant une covisibilité entre le projet et l’église.

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