La loi « littoral » est l’un des terrains de prédilection de l’activité prétorienne d’interprétation du juge administratif. L’arrêt du Conseil d’Etat du 9 juillet 2021 n° 445118 en est une nouvelle illustration.

Le principe mis en avant lorsque sont étudiés les effets juridiques des SCOT est que ces documents ne sont pas, en principe, opposables aux demandes d’autorisation d’occupation des sols. L’arrêt du 9 juillet 2021 ne fait rien de moins que d’apporter une nouvelle dérogation à ce principe.

Les circonstances de cette affaire sont simples. Un permis de construire a été accordé sur la commune de Landéda, dans le Finistère, à proximité d’un secteur bâti. Le préfet du Finistère en a demandé la suspension de l’exécution. Après avoir relevé que le SCOT du Pays de Brest, dans sa version approuvée le 22 octobre 2019, n’a pas repéré le lieu-dit dans lequel se trouve le terrain d’assiette comme une agglomération, un village ou un autre secteur déjà urbanisé au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, la juridiction d’appel a considéré que « le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, au vu des orientations du schéma de cohérence territoriale du Pays de Brest qui précise les modalités d’application des dispositions du chapitre du code de l’urbanisme relatif à l’aménagement et à la protection du littoral, détermine les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et en définit la localisation, est propre, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué par le préfet ».

La commune de Landéda a formé un pourvoi à l’encontre de cette décision en faisant valoir qu’en exigeant la conformité du permis au SCOT, la juridiction d’appel a commis une erreur de droit, la légalité d’une autorisation individuelle d’occupation ou d’utilisation du sol s’appréciant au regard, directement, des dispositions particulières de la loi « littoral ».

Dans son arrêt du 9 juillet 2021, le Conseil d’Etat écarte cette argumentation en indiquant que « l’autorité administrative s’assure de la conformité d’une autorisation d’urbanisme avec l’article L. 121-8 de ce code compte tenu des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable, déterminant les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et définissant leur localisation, dès lors qu’elles sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral. ». Il en conclut qu’« En statuant ainsi, le juge des référés, qui a vérifié la conformité de l’autorisation litigieuse aux dispositions particulières de la loi littoral en tenant compte des dispositions pertinentes du schéma de cohérence territoriale applicable, les estimant implicitement mais nécessairement suffisamment précises et compatibles avec ces dispositions législatives, n’a pas commis d’erreur de droit ».

Cette solution n’est pas sans rappeler celle dégagée par la même juridiction au sujet de l’applicabilité directe de la loi « littoral » aux PLU. En effet, dans son arrêt du 28 septembre 2020 n° 423087 , le Conseil d’Etat n’a pas hésité à mettre à mal la théorie dite du « SCOT écran » en précisant que, « s’agissant d’un plan local d’urbanisme, il appartient à ses auteurs de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de sa compatibilité avec les dispositions du code de l’urbanisme particulières au littoral » et que « dans le cas où le territoire concerné est couvert par un SCOT, cette compatibilité s’apprécie en tenant compte des dispositions de ce document relatives à l’application des dispositions du code de l’urbanisme particulières au littoral ».

Autrement dit, les dispositions de la loi « littoral » ont vocation à s’appliquer de façon combinée avec celles du SCOT tant aux PLU qu’aux autorisations d’urbanisme.

Est ainsi conforté le rôle que le législateur a progressivement voulu donner au SCOT dans la déclinaison des dispositions de la loi « littoral » aux différents territoires concernés. A noter que la Haute juridiction avait déjà entrouvert cette voie en jugeant, dans un arrêt du 11 mars 2020 n° 419861, que le caractère limité de l’urbanisation qui résulte d’une opération s’apprécie en tenant compte des dispositions pertinentes du schéma concerné.

Au final, sur les communes littorales, lorsqu’existe un SCOT appliquant les dispositions de la loi ELAN, une autorisation d’urbanisme doit donc désormais, à la fois, être conforme au PLU et aux dispositions particulières de la loi littoral, mais encore « tenir compte » des dispositions pertinentes du schéma de cohérence territoriale applicable. Reste à savoir ce qu’implique concrètement cette notion de « tenir compte »… Au demeurant, il n’est pas certain qu’en multipliant les règles opposables aux PLU et aux autorisations d’urbanisme, la sécurité juridique y gagne réellement.

Enfin, signalons que dans cette affaire jugée le 9 juillet 2021, la commune de Landéda ne semble pas avoir fait valoir devant la Haute Juridiction qu’indépendamment du SCOT, l’autorisation d’urbanisme était conforme aux dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Il faudra donc attendre un nouvel arrêt de la Haute juridiction pour disposer de précisions sur la manière d’appréhender un tel cas de figure.

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