Le 28 décembre 2018, le Conseil d’Etat a une nouvelle fois précisé sa jurisprudence « Commune de Grenoble » (CE, sect., 17 juillet 2009, n° 301615) consacrant le principe selon lequel un ensemble immobilier unique doit, en principe, faire l’objet d’un permis unique. Un tel ensemble est caractérisé dès lors que les différents éléments constituant une ou plusieurs constructions sont unis par un lien physique ou fonctionnel. Cette dernière notion ayant suscité des hésitations jurisprudentielles, le Conseil d’Etat a dû préciser ses contours (CE, 28 décembre 2018, n° 413955).
En l’espèce, se posait la question de l’existence du lien fonctionnel unissant deux constructions séparées et situées sur deux terrains contigus. Les autorisations d’urbanisme contestées se rapportaient à un ensemble de parcelles contigües situées non loin de l’océan sur le territoire de la très prisée commune d’Anglet (Pyrénées-Atlantiques). Deux maitres d’ouvrage distincts y avaient conçu le projet de construire sur leurs propriétés respectives, d’une part, un bâtiment collectif de 10 logements et deux villas, pour une SDP totale de 982 m² et, d’autre part, un bâtiment collectif de 12 logements et une villa, pour une SDP totale de 986 m². Ces deux projets ont fait l’objet de permis construire distincts, délivrés respectivement les 15 octobre 2015 et 4 décembre 2015, puis de permis modificatifs distincts, tous deux délivrés le 25 juillet 2016.
Les juges du fond, constatant que les constructions partageaient la même voie d’entrée et de circulation interne, ainsi que les mêmes et réseaux et autres équipements, ont estimé que ces éléments caractérisaient un lien fonctionnel et que les constructions formaient dès lors un ensemble immobilier unique devant faire l’objet d’une autorisation de construire unique.
Toutefois, faisant application de sa jurisprudence Société WPD Energie 21 Limousin (CE, 12 octobre 2016, n° 391092, 391155), la Haute Juridiction a censuré cette appréciation au motif que : « lorsque deux constructions sont distinctes, la seule circonstance que l’une ne pourrait fonctionner ou être exploitée sans l’autre, au regard de considérations d’ordre technique ou économique et non au regard des règles d’urbanisme, ne suffit pas à caractériser un ensemble immobilier unique. »
La nature du lien fonctionnel permettant d’identifier un ensemble immobilier unique n’est donc pas tant technique ou économique que juridique.
Cette solution apparaît logique dès lors que l’objet du principe dégagé sur le fondement de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme est de garantir que l’administration contrôle la conformité aux règles d’urbanisme des projets de construction dans leur ensemble.
Le lien fonctionnel est donc constitué dès lors qu’une appréciation globale du projet est nécessaire au regard d’une règle de fond, c’est-à-dire lorsque que les différents éléments d’une construction sont interdépendants pour la conformité aux règles d’urbanisme du projet d’ensemble. Tel est par exemple le cas d’un hôtel et de l’aménagement des places de stationnement qui sont exigées par le plan d’occupation des sols pour une telle construction (CE 31 juill. 1996, n° 127667, Société Balladins-Ville de Marseille), ou pour l’application de la loi « littoral » (CE, 10 mai 1996, n° 140799, Société du port de Toga SA et autres).
Ainsi, même si deux constructions sont liées techniquement ou économiquement, l’administration ne sera tenue de délivrer un permis unique que si ces constructions sont interdépendantes au regard des règles d’urbanisme.