La créance due par un usager au titre de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères est-elle soumise au délai biennal de prescription prévu à l’article L. 218-2 du code de la consommation ?
Telle est la question intéressante posée à la Cour de cassation.
Les faits sont relativement inhabituels.
Suivant délibération du 8 octobre 2013, la communauté de communes en cause avait institué, à compter du 1er janvier 2014, une redevance d’enlèvement des ordures ménagères, dont le tarif avait été fixé par délibération du 17 décembre 2013.
Le 30 mai 2014, elle avait émis, à ce titre, une facture d’un montant de 190,17 euros au nom d’un usager.
Par jugement du 9 septembre 2015, à la demande de cet usager, la juridiction de proximité de Vannes en avait prononcé l’annulation pour un motif de forme.
En parallèle, par un arrêt du 6 octobre 2017, devenu définitif, la Cour administrative d’appel de Nantes avait rejeté la requête, présentée par plusieurs usagers, tendant à l’annulation de la délibération du 17 décembre 2013 fixant la tarification de la redevance.
La communauté de communes avait donc, le 26 février 2018, établi une nouvelle facture et, le 8 mars suivant, émis un nouveau titre exécutoire à l’encontre du même usager, pour obtenir paiement de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères de l’exercice 2014.
Par un jugement du 13 février 2019, le Tribunal d’instance de Vannes a constaté, au visa de l’article L. 218-2 du code de la consommation, la prescription de l’assiette de la créance de la communauté de communes et prononcé l’annulation de la facture et du titre exécutoire.
C’est en cet état que la Cour de cassation s’est prononcée.
Dans son arrêt du 4 juillet 2019 publié au Bulletin (Cass. civ. 1ère, 4 juillet 2019, n° 19-13494), la Cour a invalidé l’appréciation retenu par le tribunal d’instance de Vannes en retenant que « l’usager, bénéficiaire du service public de l’enlèvement des ordures ménagères, n’est pas lié à ce service par un contrat, de sorte que le délai dont dispose une collectivité publique pour émettre un titre exécutoire, aux fins d’obtenir paiement de la redevance qu’elle a instituée, n’est pas soumis aux dispositions dérogatoires prévues à l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation ».
Cet arrêt est d’une importance pratique élevée pour l’ensemble des services publics comparables au service d’enlèvement des ordures ménagères.
Il remet d’ailleurs en question une réponse ministérielle publiée dans le JO Sénat du 26 mai 2016 selon laquelle : « En application des articles L. 2224-7, L. 224-8 et L. 2214-12-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qui définissent les services publics d’eau potable et d’assainissement, les redevances dues à ce titre sont des redevances pour service rendu. Dans la mesure où une entité publique, ici une collectivité locale, qui fournit des biens ou des services à des usagers agit en tant que professionnel au sens du code du commerce, l’article L. 137-2 de ce code qui dispose que « l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans », s’applique aux redevances d’eau et d’assainissement. Cependant, ce délai de prescription d’assiette réduit à deux ans ne s’applique qu’aux factures émises à l’encontre d’un consommateur, au sens de l’article préliminaire du code du commerce, c’est-à-dire d’un particulier usager de ces services publics à des fins autres que commerciales, industrielles, artisanales ou libérales. Ainsi le délai de prescription d’assiette de droit commun, fixé à cinq ans par le code civil (art. 2224), s’applique lui aux factures d’eau et d’assainissement émises par la même collectivité locale mais à l’encontre des entreprises ou des administrations par exemple ».
Cette décision de la Cour de cassation est par ailleurs d’une portée qui dépasse le droit des collectivités locales puisque l’arrêt réaffirme très expressément que le champ d’application de l’article L. 218-2 du code de la consommation est circonscrit à la matière contractuelle (voir aussi en ce sens 1re Civ., 9 juin 2017, pourvoi no 16-21.247, Bull. no 140).