C’est à cette question inédite à notre connaissance que le Conseil d’Etat a été amené à répondre, par un arrêt du 13 février 2024 n° 461461.

Les circonstances en débat étaient assez singulières.

Un maire avait refusé de délivrer à un exploitant d’un élevage de volailles un permis de construire une construction à usage d’habitation attachée à l’exploitation agricole sur un terrain classé en zone agricole par le plan local d’urbanisme, au motif qu’il existait déjà deux constructions à usage d’habitation attachées à cette exploitation. Plus précisément, le papa avait obtenu un permis de construire pour un logement de fonction en 1981. Le premier fils avait obtenu par la suite un permis de construire son propre logement de fonction. A la suite du départ en retraite du papa, le second fils avait présenté une demande de permis de construire portant sur la création de son logement.

Le document d’urbanisme autorisait les « nouveaux logements de fonction agricole » mais « dans la limite de deux logements de fonction par exploitation ».

Le Conseil d’Etat a retenu que « Pour l’application de ces dispositions à une demande de permis de construire une construction à usage d’habitation attachée à une exploitation agricole, doit être regardée comme une construction à usage d’habitation attachée à une exploitation agricole existante toute construction à usage d’habitation dont la construction a été autorisée au motif qu’elle était, à la date de cette autorisation, nécessaire au fonctionnement d’une exploitation agricole, quand bien même l’occupant de cette habitation ne participerait pas, à la date à laquelle l’administration se prononce sur la nouvelle demande de permis de construire, à l’exploitation agricole ».

Selon le Rapporteur public Florian ROUSSEL dans ce dossier : « Vous pourriez, il est vrai, estimer que cette solution est excessivement sévère pour les agriculteurs retraités, qui entendent continuer de résider dans le logement où ils vivent depuis de longues années. Elle pourrait être jugée d’autant plus inopportune dans un contexte général marqué par le vieillissement de la population agricole et l’enjeu qui s’attache à l’installation des jeunes agriculteurs. L’attachement d’un agriculteur au logement, même dit « de fonction », où il aura souvent passé tout ou l’essentiel de sa vie et à proximité de terres qu’il n’aura cessé d’exploiter, n’est évidemment en rien comparable à celui, par exemple, celui d’un gardien de stade ou d’immeuble. (…) Toutefois, en dehors même du fait qu’elle serait à la fois très constructive et délicate à circonscrire, une telle interprétation engendrerait elle-même un certain nombre d’effets pervers et de difficultés de mise en œuvre. Elle conduirait ainsi, à l’encontre de l’objectif recherché par le législateur et le pouvoir règlementaire, à accélérer le mitage de la zone agricole, en autorisant l’édification d’immeubles à usage d’habitation en plus des seuls logements nécessaires à l’exploitation. « .

Entre l’attachement de l’agriculteur à son logement et la lutte contre le mitage en zone agricole, la priorité a donc clairement été donnée à la préservation des espaces naturels et agricoles.

 

 

 

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